
L’ère du temps perpétuel commence maintenant.
26 octobre 2022
Nous y entrons lorsque nous avons rendez-vous. Qu’il s’agisse d’un rendez-vous à heure convenue, ou d’un rendez-vous par ordre d’arrivée, la salle d’attente est l’endroit où chacun attend son tour. Car même dans les cas où nous prenons rendez-vous, l’heure exacte de la rencontre ne dépend en réalité pas de nous, mais de celui qui s’apprête à nous recevoir. Est-il d’ailleurs lui-même maître de son temps ? Rien de moins sûr, notre heure de rendez-vous dépend aussi de tous ceux qui ont rendez-vous avec lui avant nous. Du temps que peut durer chaque rendez-vous. Alors, que nous soyons en avance, à l’heure ou bien en retard, la synchronisation de nos rendez-vous passe la plupart du temps par la salle d’attente.
Et des salles d’attente, il y en a de toutes les tailles, de toutes les formes et de toutes les couleurs. A l’image des personnages qui les installent pour notre confort d’attente. Les décorations sont multiples et varient jusque dans le mobilier. Parfois, il y a même de quoi lire, ou amuser les enfants. Il est impossible de décrire ici en quelques lignes toute la diversité des salles d’attente. Alors, laissons plutôt divaguer l’imaginaire.
Car notre imaginaire s’invite souvent dans les salles d’attente. Quelquefois, c’est sous forme d’inquiétude par rapport au rendez-vous à venir. Dans d’autres configurations, ce sont des suppositions à propos des personnes qui attendent à côté de nous. Ou bien encore des conversations improbables avec nous-mêmes. L’imaginaire sait être imaginatif, et trouve généralement de quoi donner l’illusion d’attendre utilement.
Hier, c’est à dire il y a bien longtemps déjà, j’ai pris rendez-vous avec l’univers. C’est pour aujourd’hui, et je suis arrivée en salle d’attente. Elle est relativement claire, assez grande et confortable. Je m’installe sur une des chaises mises à ma disposition et j’observe les lieux. Pour l’instant, je suis seule dans cet espace qui n’est pas le mien et j’ai besoin d’un certain temps avant d’y retrouver un peu de ma sécurité. J’attends que la porte s’ouvre et que la permission me soit donnée de rejoindre celui qui me reçoit en rendez-vous. Va-t-il venir me chercher directement ? Ou bien va-t-il envoyer un guide qui me conduira jusqu’à lui ? Je suis dans ce moment où l’incertitude est encore totale. Mais seul mon imaginaire s’en interroge. C’est ainsi qu’il occupe le temps, et qu’il entraîne sa vivacité. Moi, je patiente tranquillement en écrivant ces quelques mots survenus de je ne sais où. J’ai tout mon temps. Je sais que tout est parfaitement orchestré pour honorer ce rendez-vous et que mon tour viendra. Demain, c’est à dire dans quelque temps. Tout à l’heure.
Quand soudain, une idée me traverse l’esprit.
– Euh, d’où vient-elle cette idée-là ? Je ne l’ai même pas vu arriver… –
Et si c’était moi que j’attendais ?
Et si c’était moi qui avais installé cette salle d’attente pour repousser l’échéance de mon rendez-vous avec moi-même ?
D’y penser, j’en ai le cœur qui palpite en s’affolant. Me voilà peut-être dans la salle d’attente du rendez-vous le plus flippant de ma vie.
Qui suis-je pour me reconnaître comme quelqu’un qu’on attend ?
Qui suis-je pour me reconnaître comme quelqu’un qu’on vient consulter en prenant rendez-vous ?
Qui suis-je pour me demander à moi-même d’attendre tout ce temps ?
Oh, bien sûr que je vais attendre le temps qui convient. C’est un rendez-vous tellement important que le temps d’attente n’est plus qu’un détail de l’histoire. Qui saura d’ailleurs prendre le temps d’alimenter le fil COlorieZ. A moins que dans ce temps-là, le féminin créatif modifie discrètement toute la file d’attente !




